Baby can I Hold You (Evan).

« Mais les désirs de Madame sont des ordres. » Je le regardais en coin, pour ne pas qu'il me voit. Je n'avais pas besoin de voir, de toute façon. Je sentais ses gestes. Je mourrai d'envie de lâcher le volant pour poser ma main sur son torse, mais mon handicap m'en empêchait et m'obligeait à faire une seule chose à la fois. Je m'étirai légèrement, en relevant la tête, plus par frustration que par engourdissement. Je le voyais bien, là, faire son beau gosse. Je finis par tourner la tête vers lui, en relevant un sourcil et en prenant un air aliéné.

Mais arrête! Tu crois que je te vois pas? Tu veux qu'on ait un accident hein, c'est ça?

Je rigolais à l'intérieur, ça se ressentait dans l'intonation de ma voix. Il faisait chaud. Je me passais une main dans les cheveux, elle était humide. A nouveau concentrée sur la route, j'indiquais le bouton de la clim du menton.

Fais ça pour moi, d'accord?

Je lui adressais un clin d'oeil amusé avant d'actionner le clignotant. Je doublais une voiture. En excès de vitesse? Pas du tout. En excès de désir. Et il était temps d'arriver. Je ne répondais pas de moi s'il ne faisait ne serait-ce que me frôler.

La clim eut un effet immédiat. Je soufflais, comme pour augmenter son efficacité. Bien que mon haut était décolleté, je sentais qu'il collait à mon dos. Ma nervosité me faisait appuyer sur la pédale sans que je ne m'en rende vraiment compte. J'étais tellement concentrée, que je me déconnectais même de la réalité. La voix d'Evan me le rappela. « Tu devrais conduire plus vite t'as raison, si on se fait goaler par les flics t'auras au moins une raison valable. "Le détournement de mineur n'attends pas Mr l'agent". » Je rigolais avec ma voix rauque, le soleil faisait plisser mes yeux. Il arrivait toujours à me surprendre par sa spontanéité. J'avais envie de passer ma main dans ses cheveux, mais elles étaient déjà occupées avec le volant.

« Remarque la cellule aurait un côté un peu destroy qui pourrait être sympa... » J'avais déjà été mise en garde à vue. Plusieurs fois. Mon passé de petite conne en pleine crise d'indépendance et à la recherche de ses limites. Je connaissais, et j'avais donné, pour le côté destroy. J'évitais de parler de ça à Evan. Déjà, parce qu'avec lui c'était le présent, c'était l'avenir. Et aussi, parce que je ne voulais pas l'influencer. Je sais que ce n'était pas son genre, mais au fond de moi je me considérais comme une mauvaise personne. Je ne voulais pas le contaminer.

Ah oui? On fait pas déjà assez dans le destroy peut-être?

Je me posais tellement de questions sur notre relation. J'avais toujours cette peur, au fond. Qu'il ne rencontre quelqu'un de son âge. Et tous les problèmes qui pourraient nous arriver. Si cette relation aurait été la même au grand jour. Je ne voulais pas en parler. Brusquement, j'enfonçais la pédale de frein. On quittait la grande route pour arriver en ville, je n'étais pas attentive, et le trafic était toujours plus ou moins difficile dans la région.

« Si, plutôt... Remarque si ça se sait t'auras le FBI aux trousses. » J'en savais plus sur lui que lui sur moi. Par les autres profs, par ce qu'on entendait dans les couloirs. A mon sujet, la plupart de ce qui circulait n'étaient que des rumeurs. Je ne faisais rien pour démentir, ça me permettait de pouvoir rester secrète, sans attirer l'attention. Enfin si, je l'attirais, mais pas pour ces raisons là. Et ça m'alait.

« Cam ! » Je n'osais pas le regarder. J'avais peur de l'avoir abîmé. J'abîmais tout sur mon passage, je cassais tout, je détruisais les choses et les gens. Le sang battait mes tempes. Je repassais en première vitesse, et me remis à avancer, doucement. « Tu veux que je prenne le volant? On aurait une chance d'arriver entier et peut être même de s'envoyer en l'air. » Je tournais rapidement la tête vers lui. Il saignait. Je le voyais clairement. C'était moi qui avait fait ça. Je retournais la tête, en un fragment de seconde.

Ca va. Ca va j'te dis!

Mes mains tremblaient. Je ne l'avais pas senti, mais je le voyais. Ma voix avait été sèche. Elle me trahissait. J'ouvris rapidement la boite à gants, sans quitter la route des yeux, pour attraper mes cigarettes. Il fallait que je me calme, et vite. Dieu savait que dans des moments pareils, je pouvais grimper en flèche, et très vite. Il ne fallait pas. Pourtant, un silence pesant c'était déjà installé. Cigarette en bouche, je cherchais mon briquet.

Le briquet était dans ma poche. J'avais fini par me le rappeler. Et j'inspirai une longue, longue, longue bouffée sur ma cigarette. Sans oublier d'ouvrir la fenêtre pour l'asthme d'Evan, j'expirai lentement. La nicotine faisait effet, et m'apaisait. Nouvelle bouffée. Nouvelle expiration. « Cam c'est pas grave... » Si, ça l'était. Pour moi ça l'était. Et je m'énervais intérieurement, et je me retenais de parler. Je ne voulais pas être brutale. « Passe moi le volant. » Je savais qu'il voulait bien faire. Mais cela m'agaçait. Je prenais sur moi, mais le débordement approchait.

Je t'ai dit que ça allait d'accord? Je peux conduire. Je suis handicapée partiellement je suis pas tétraplégique!

Je regrettais déjà mes paroles. Mais plutôt mourir que l'avouer. A nouveau, je trouve refuge dans ma cigarette. Déjà la moitié de consumée. Je n'aimais pas ces moments. Ou ma faiblesse était apparente, où ma coquille de protection était ouverte. Après l'accident, j'avais vécu comme cela pendant des mois. Encore maintenant, elle se fendillait parfois. Et ça refoulait tout ce noir au fond de moi, ces flashs, toute cette violence, cette impuissance. Je ne supportais pas. Je soupirai bruyamment. Je lançais un regard rapide à Evan avant de regarder à nouveau la route. Dans ma tête, des contradictions. L'envie de le protéger, l'envie de fuir, l'envie de le frapper, l'envie de me frapper.

Arriver. Garer la voiture. Cigarette en bouche, je cherchais mes clés dans mon sac. « Les voisins n'ont rien dit pour hier soir? » Hier soir. C'est vrai qu'on avait été un peu bruyant. On s'amusait à hurler, on finissait par éclater de rire, ça mettait de l'ambiance dans nos parties de jambes en l'air. Il était sur ce plan, comme sur tous d'ailleurs. Je devais l'avouer, Evan avait beaucoup plus de qualités que de défauts. Je souris, en trouvant enfin les clés.

Ils n'ont rien dit. On n'a pas du faire assez de bruit.

J'ouvris la porte en me retournant vers lui, avec un regard aguicheur. A force de nicotine, ma colère s'était apaisée. Je jetais mon mégot par terre. J'arrivais à me controler, plus ou moins. Heureusement. Ca montrait que j'avais fait des progrès. En entrant, je trébuchais sur quelque chose qui manqua me faire tomber. Un bouquet. Agréablement surprise, je me penchais pour le ramasser. Et je plongeais mon visage à l'intérieur pour respirer leur parfum. Il y avait une carte, mais je ne l'avais pas encore vue. Je me tournais à nouveau vers mon bad boy.

Tu entres?

« Quel est l'inconscient qui a osé te faire livrer des fleurs... » Il m'avait fait rire, une nouvelle fois. Je l'imaginais déjà prendre un couteau dans la cuisine, et courir à la recherche de l'inconscient en question. Ca aurait été du Evan tout craché.. Et je dois avouer que cela me plaisait. Le fait qu'il soit prêt à tout. Je n'avais pas peur. Je n'avais peur de rien. « Il a même mauvais gout pour la carte. » Une carte. Je la retirai du bouquet pour la lire. Mon coeur se resserrait dans ma poitrine en meme temps que ses bras se resserraient sur moi. Je sentais toute sa force, toute la violence de son amour, et cela provoquait en moi toutes sortes de symptomes que je n'expliquais pas. C'était de lui, évidemment, bien évidemment.

Ca te plait de me laisser être ridicule?

Il m'avait eue, une fois de plus. Je me retournais pour enlacer son cou avec mes bras. Je venais de fumer, l'odeur de la cigarette était dans ma bouche, je savais qu'il n'aimait pas ça.

Faut que j'aille me laver les dents avant, où je peux t'embrasser tout de suite?

« Non mais si j'avais su j'aurais demandé à ajouter un bon pour une série de radio. » Je souris. Ca me faisait repenser à cette fois ou il s'était introduit chez moi en douce la nuit, et que je l'avais à moitié assommé avec une casserole. A ce souvenir, je passais ma main sur son front, là ou une bosse énorme était apparue.

Tu aurais du oui...

On était des casse-cous tous les deux, des tetes brulées comme on dit. Peur de rien ni de personne.
« J'ai décidé d'être moins chiant. »

Et moi, moins conne.

Un sourire tendre, sincère. Je lui en faisais baver, je le savais. Mais il m'avait assez prouvé qu'il tenait à moi et qu'il ne fallait pas m'arreter là dessus. Meme si c'etait difficile. Je levais les bras pour oter mon tee-shirt. Mes avants-bras étaient recouverts de marques, de traces. Avec une infinie douceur, je reposais mes lèvres contre les siennes, en passant mes bras sous son tee-shirt. Il avait une peau douce comme celle d'un enfant encore

« J 'ai envie de toi. » S'il savait à quel point j'en avais envie, aussi. Il avait des gestes si tendres, si respectueux. Je me sentais si bien dans ses bras. Contre sa peau, je me sentais VIVANTE. Il me faisait respirer, il tenait ma tête hors de l'eau. Tout n'était que rire, sourire, surprises. Il me faisait redécouvrir le monde qui nous entoure. Dont j'avais oublié la saveur et les petites choses qui lui donnaient toutes ses épices. Ses couleurs. Ses saveurs. Un après-midi, on s'était allongés tous les deux dans mon jardin, à même l'herbe. Il m'avait trouvé des coccinelles, des fourmis, des bêtes dont j'ignorais l'existence. Le soleil avait réchauffé nos peaux. Et lui, il avait réchauffé mon coeur. Je l'avais écouté parler en buvant ses paroles, en aspirant les cheveux qui lui tombaient sur le front, en mangeant sa peau. Ses mains sentaient l'herbe et son cou était brûlant. Il y avait tant de moments comme ceux-là.

Moi aussi... moi aussi... De toi...

Je caressais sa joue avec mon nez, je caressais son cou. Mes mains glissaient sur sa peau comme sur de la soie. Je suivais les courbes de ses muscles, de son nombril, de sa colonne vertébrale. Les volets, mi-clos, éclairaient nos peaux par petits ronds de lumière. L'obscurité était douce. Le bouquet tomba à nos pieds.

Ses mains sur moi avaient un effet dingue. Je perdais le contrôle, mes genoux fléchissaient. Je commencais déjà à sentir ma respiration devenir rauque, saccadée. J'ouvrais sa braguette. Je me frottais à lui, j'avais cette délicieuse impression d'étouffer entre le mur et son corps muscler, d'etre prisonniere, et je l'étais. Je le serrais un peu plus contre moi, en remontant ma cuisse au niveau de sa hanche.

Les voisins me regardaient bizarrement, c'est vrai. Surtout les femmes. Les hommes avaient toujours un compliment ou un sourire pour moi. Ca me flattait un peu, c'est vrai. Mais je ne m'y arretais pas. Je pouvais etre sympathique quand on l'était avec moi. Avec mes éleves, c'était pareil. Certains habitaient mon quartier, et une maman était déjà venue frapper chez moi pour me demander de fermer mes volets quand je prenais une douche. Heureusement que mon métier me donnait une certaine légitimité.

Quand sa main arriva à mon intimité, je déglutis bruyamment. Il connaissait mon corps, mes zones hétérogènes, les zones sensibles. Je fis glisser son pantacourt, pour qu'il tombe sur ses chevilles. Son corps mis à nu, sa peau contre la mienne, nos corps qui se connectent, nos peaux qui se réchauffent. Des mouvements, des gestes, qui se déploient, qui grandissent. Son souffle sur ma peau. Mes lèvres sur ses épaules. Mes lèvres qui mordillent les siennes. Mes doigts autour de son nombril, mes doigts autour de ses tétons, mes doigts qui glissent sur sa cuisse et évitent la zone sensible, exprès, pour le moment.

Ma main qui tire ses cheveux, ma langue sur ses doigts. Je ne contrôle plus. Je m'abandonne. Je le laisse prendre mon corps, je le lui donne. Je lui murmure des mots à l'oreille, pour le faire sourire. Avec Evan, ce n'était pas automatique. Nos gestes étaient dictés par un réel désir. Pas par un besoin. Au début de notre relation, j'avais eu du mal à faire la part des choses. Nous n'avions pas réellement défini notre relation, lui s'était attaché plutôt vite, et moi, j'avais fait la fière à vouloir clamer mon indépendance. Mais on avait réussi. On se suffisait l'un l'autre. Et amplement.